Histoire
Est-ce un crime de naître Dhampir ? J’aimerais sincèrement pouvoir dire non, mais je crains que ce ne soit la raison qui ait causé ma perte. Je m’appelle Scarlett et je suis née en Russie, du moins je le crois. Je n’ai pas connu mes parents ni même jamais su qui ils étaient. La seule que chose que je sais est ce que l’on m’a raconté : un bébé a un jour été retrouvé devant les portes de l’académie Saint-Basil en plein hiver, emmitouflé dans une couverture et accompagné d’un petit mot sur lequel étaient inscrits le prénom et le nom que je porte aujourd’hui : Scarlett Connor. Personne ne savait depuis combien de temps j’étais là. Dix minutes ? Une heure ? Trois heures ? Quoi qu’il en soit, cette nuit-là était si glaciale que le fait d’avoir pu survivre ne serait-ce que plus de trois minutes relevait du miracle. C’est ce qui décida l’académie à me recueillir pendant un temps. Peut-être que je pourrais leur être utile. Il s’est avéré que leur intuition ne leur a pas fait défaut. Très vite, ils se sont rendus compte que je possédais des capacités supérieures à la moyenne des humains et m’ont fait passé des tests. Peu de temps après, je débutais mes premiers cours à l’académie avec les plus jeunes Dhampirs, en tant qu’apprentie.
Les années passèrent et je finis par devenir l’une d’entre eux. Je crois que je suis plutôt une bonne Dhampir, mais l’appréciation de mes camarades reste quelque peu mitigée à mon sujet. Je suis d’une nature plutôt calme, dotée d’un caractère très doux et chaleureux avec la plupart des gens, ce qui m’a valu d’être bien accueillie parmi-eux. Mais parfois et malgré moi, il peut m’arriver de devenir soudainement beaucoup plus sauvage... une véritable bête féroce de sorte qu’il m’est déjà arrivé involontairement de blesser quelques-uns de mes camarades en combattant. Je ne le fais pas exprès, parfois-même je ne m’en souviens pas. C’est quelque chose qui n’arrivait jamais auparavant. Mais plus je combats, plus ces sautes d’humeur deviennent un peu plus fréquentes. Fort heureusement, cela ne se produit généralement que pendant les combats.
Encore quelques années passées et me voici devenue une belle jeune femme. Je suis devenue gardienne et on m’a enfin attribué un Moroï. Je prends mon rôle très à coeur, mais je reste également une femme. Par le plus grand des hasard, j’ai fini par tomber amoureuse d’un humain que j’ai rencontré en ville, avec qui j’ai décidé de me marier et de m’installer. Je ne lui ai jamais révélé ce que je faisais réellement mais quelque chose qui s’en rapprochait : agent de sécurité. Ensemble, nous avons eu un fils, Thomas. Je me suis alors posé la question de continuer mon métier de gardienne ou de finir par me ranger définitivement. J’avais l’avantage de ne pas vivre loin de l’académie Saint-Basil, ce qui me permettait de pouvoir malgré tout passer du temps avec ma famille. J’ai donc décidé de continuer. Deux ans ont passé, mon petit a déjà fait ses premiers pas et il commence à parler plutôt bien. Ma vie est au beau fixe. Mais les bonnes choses finissent toujours par avoir une fin tôt ou tard...
Un soir, mon Moroï et moi sommes tombés sur des Strigoïs. Nous étions accompagnés par deux autres Dhampirs et trois autres Moroïs. J’ai combattu du mieux que j’ai pu, mais je n’ai pas pu le sauver... je n’ai pas pu protéger mon Moroï de ces bêtes assoiffées qui se sont jetées sur lui. Le reste de mes compagnons tombaient également un à un tandis que l’un d’entre eux se mit à crier : « Connor ! Sauve toi ! ». Mon sang a commencé à bouillir, mais ce qui suivit juste après, je ne m’en souviens plus. Je ne crois pourtant pas avoir perdu connaissance, mais lorsque je revins à moi, j’étais maintenue par deux Strigoïs tandis que l’un d’entre eux se tenait devant moi.
« Pourquoi tu ne la tues pas ? Elle a tué Max ! »« Elle s’est aussi occupée du gardien là-bas... »Je ne les écoute qu’à moitié, ne comprenant pas ce qu’ils disent et essayant de trouver un moyen de me sortir de là. Je sens alors une douleur se propager dans mes mains tandis que j’essaie de me débattre. Mes poings... ils sont couverts de sang. Il semblerait que je me sois battue à vif. Que s’est-il passé ? Le Strigoï devant moi finit enfin par m’adresser la parole.
« Comment tu t’appelles petite ? »« Qu’est-ce que ça peut vous faire ? »Un coup violent coup de poing dans le ventre me fait plier les genoux et cracher du sang.
« J’ai dit comment tu t’appelles ? » « Scarlett... Scarlett Connor. »Un grand sourire se dessine sur les lèvres de l’un des deux qui me retiens.
« T’as vu... Elle porte le même nom que lui... »« Oué... c’est peut-être juste qu’une coïncidence. »Mais de quoi est-ce qu’ils parlent... Le Strigoï face à moi m’adresse de nouveau la parole.
« Petite... Qui sont tes parents ? »« Je n’ai pas de parents. »Un autre coup de poing dans le ventre me fait perdre l’équilibre. Je me sens défaillir mais les deux autres Strigoïs me tiennent toujours. Je n’arrive pas à croire que les premières personnes à me poser des questions sur mes parents biologiques se trouvent être des Strigoïs. Celui qui se tient face à moi finit malgré tout par déclarer :
« Bon... On va l’achever quand même... »Je pense qu’il est trop tard pour avoir des regrets. Je vais mourir d’un instant à l’autre de la main de mes ennemis. Mon fils... Thomas. J’aurais souhaité le serrer une dernière fois dans mes bras... lui dire au revoir. Je ferme les yeux, prête à accepter mon destin, lorsque les deux Strigoïs qui me tiennent s’effondrent soudain juste à côté de moi. Le troisième Strigoï tente de s’enfuir, mais il est finalement rattrapé et éliminé. Je me tourne vers mes sauveurs. Qui a donc fait cela ? L’académie ? Non, si c’était le cas ils ne viendraient pas de me planter une seringue dans le bras. Qu’est-ce que c’est que ça encore ? Je sors un poignard, prête à me défendre, mais je sens toutes mes forces m’abandonner d’un seul coup... puis c’est le trou noir à nouveau. Lorsque je me réveille, je suis allongée sur une table d’opération, dans une salle qui ressemble à une espèce de laboratoire. J’essaie de bouger mais impossible, je suis solidement attachée.
« Etant donné ses antécédents elle nous sera utile pour le faire tomber... Le sujet d’expérience numéro 1 est réveillé monsieur. » C’est la deuxième fois que j’entends parler de mes antécédents aujourd’hui... Qu’est-ce que tous ces gens peuvent bien me vouloir à la fin. J’entends des pas se rapprocher et un humain se met juste face à moi.
« Qui êtes-vous ? »« Ne vous inquiétez pas. Nous sommes de votre côté. Nous savons qui vous êtes, et nous allons vous permettre d’affronter vos ennemis à armes égales. Lorsque vous vous réveillerez, vous deviendrez la première gardienne immortelle. » « Qu’est-ce que vous racontez ? Laissez-moi partir... »Autant parler à un mur. Je sens une autre aiguille venir se planter dans mon bras, mais cette fois la sensation n’est plus du tout la même que tout à l’heure. Je me mets à hurler. Quelle est cette horrible douleur qui se propage dans mon sang tel un poison ? J’ai l’impression que mes cellules sont en train de se décomposer, j’ai mal... tellement mal... La mort aurait sans aucun doute été préférable à cela. Ça ne va jamais s’arrêter... J’ignore si des heures ou des jours sont passés, mais après une très longue agonie, je finis par m’arrêter de crier. Les larmes qui coulaient sur mon visage ont séché depuis un moment. J’ouvre les yeux et je regarde les personnes autour de moi. Quelqu’un s’avance avec une lampe torche pour regarder mes pupilles mais je ferme les yeux, aveuglée par la lumière. Qu’est-ce qu’ils ont encore l’intention de me faire ? La plupart d’entre eux semblent sur leurs gardes, mais l’humain qui s’adressait à moi tout à l’heure s’avance à nouveau, une fiole de sang ouverte à la main. Je le regarde sans un mot, essayant de comprendre ce qu’il me veut. Après quelques secondes, il finit par sourire et referme la fiole.
« Pas de réaction au sang. On dirait bien que l’expérience a fonctionné. Détachez-là. »On me retire mes chaînes tandis que l’humain me demande de le suivre. Il commence alors à me parler de ce qu’il est ainsi que de son unité... une unité secrète qui combat les Strigoïs depuis déjà un bon moment semble-t-il. Alors comme ça les humains sont au courant pour nous... du moins une partie d’entre eux le sont. Il se met à me parler d’autres expériences qui ont changé quelques humains volontaires en Strigoïs, afin de pouvoir combattre ces derniers à armes égales mais qu’il était difficile pour eux de réussir à se contrôler à cause des gènes Strigoïs. Ils ont alors fait une nouvelle batterie de tests afin d’essayer de procurer l’immortalité sans pour autant devenir un véritable monstre... et ils viennent de le tester sur moi... Comment ça sur moi... sont-ils en train de me dire que je suis devenue une Strigoï ? Non c’est impossible. Je me mets devant un miroir et regarde mes pupilles... Elles ont perdu leur éclat vers émeraude pour arborer une couleur rouge sang. Comment est-ce possible ? Je ne me sens pourtant pas si différente... Je ne crois pas. L’homme, qui se nomme Francis – c’est écrit sur sa blouse – essaie alors de me rassurer en me disant que tout s’est bien passé et que je vais à présent pouvoir affronter les Strigoïs avec la même force que ces derniers. Il m’emmène dans une salle où sont retenus prisonniers deux Strigoïs et me tend un poignard, avant de me proposer de tester mes nouvelles capacités. J’attrape le poignard, absorbée dans mes pensées, mais je ne l’écoute déjà plus. Suis-je réellement devenue Strigoï ? J’approche le poignard de ma main et me fait une légère entaille. Je sens tout d’abord l’argent du poignard me brûler, tandis que j’observe ma blessure qui commence déjà à se refermer. Je continue d’observer la blessure, puis je rapproche ma main de mes lèvres et commence à lécher le sang qu’il y a dessus... mon propre sang. Je n’aurais jamais pensé que j’en trouverai le goût si exquis. Je continue d’humer l’odeur jusqu’à ce qu’elle disparaisse avec la blessure, lorsque je referme soudain ma main contre le poignard et me tourne vers Francis. A partir de là... c’est un autre trou noir.
Lorsque je reprends conscience de mes faits et gestes, je me trouve dehors au beau milieu de la nuit, face à un immense bâtiment en feu. Je suis couverte de sang, mais pas du mien cette fois... du sang d’humains. Que s’est-il passé ? Prise de panique, je décide de me rendre dans le seul endroit où je me sens réellement en sécurité : chez moi. Ignorant complètement où je suis, je mets plus d’une journée pour réussir à regagner mon foyer, ayant dû m’abriter dès que les premiers rayons du soleil étaient apparus. En arrivant chez moi, mon mari vient m’accueillir, fou d’inquiétude, m’expliquant que j’avais disparu depuis plusieurs jours et qu’il avait lancé un avis de recherche. Il était d’autant plus inquiet suite à l’attaque de grande envergure qui a eu lieue dans un laboratoire la nuit dernière et dont personne n’a réchappé. J’attrape le journal et observes les gros titres. Le bâtiment en question, c’est celui devant lequel je me suis retrouvée en reprenant mes esprits. Il est écrit que les corps ont été retrouvés lacérés, déchiquetés et parfois démembrés. On pense à une attaque animale, peut-être une meute de loups sauvages. Que diable s’est-il passé la nuit dernière... Quoi qu’il en soit je suis de nouveau avec ma famille, c’est tout ce qui doit compter pour l’instant. Je viens serrer mon fils dans mes bras, tellement heureuse de le retrouver. Je lui promets de ne plus le quitter pendant les prochaines semaines. J’ignore si je pourrai retourner à l’académie... Je ne suis plus une Dhampir désormais, pourtant je veux toujours combattre à leurs côtés. C’est sur ces pensées que je me couche.
Quelques heures plus tard, l’odeur du sang me réveille. Je lève ma tête de l’oreiller et pousse un hurlement en découvrant le corps sans vie de mon mari juste à côté de moi... complètement vidé de son sang. Thomas... Où est-il ? Je cours jusqu’à sa chambre et m’effondre en découvrant l’horreur qui se tient devant moi. Mon petit... mort avec le regard effrayé. Quel genre de monstre a pu faire une chose pareille ? Pourquoi n’ai-je rien entendu ? Pourquoi ne m’ont-ils pas tuée ? Ma famille... Mon trésor le plus précieux... Je jure de venger leur mort. Mon chagrin vient se mélanger à ma colère, et c’est une nouvelle facette de ma personnalité plus sombre qui commence à prendre le pas. Je rassemble quelques affaires et me prépare à partir, avant de mettre le feu à ma maison et de tout laisser derrière moi. L’endroit où je dois me rendre à présent ? Je l’ignore encore, mais je finirai par trouver, après tout, j’ai l’éternité devant moi maintenant.
Un an a passé depuis ce tragique accident. J’ai eu le temps de faire mon deuil, bien que toujours à la recherche des meurtriers de ma famille. Néanmoins, je suis allée de l’avant. Au début, j’ai essayé de trouver des personnes de confiance chez qui m’arrêter quelques temps. Mais à chaque fois, c’était comme si l’histoire se répétait. Je finissais par me réveiller et retrouvais le corps sans vie des personnes qui m’hébergeaient, toujours dans des états plus lamentables. Je ne parvenais pas à comprendre d’où ça venait... je ne parvenais pas à comprendre que c’était moi. Mes pertes de mémoire ont commencé à se faire de plus en plus fréquentes, jusqu’au jour où mon côté Strigoï a fini par occuper une place plus importante que celui de gardienne et que la tendance s’est inversée. Aujourd’hui, je continue en quelque sorte d’errer et d’essayer de comprendre ce qui se passe autour de moi, mais je n’ai plus de scrupules à me nourrir sur les humains ni à ôter des vies. Néanmoins, il arrive encore que mon côté gardien se manifeste parfois à n’importe quel moment, raison pour laquelle il peut m’arriver de m’en prendre aussi bien à des Dhampirs et des Moroïs qu’à des Strigoïs, bien que pour ces derniers je ne m’en souvienne pas toujours. Peut-être que certains d’entre eux pourront m’aider à comprendre ce qui m’arrive. Tout ça, c’est de la faute de ces humains... Il m’arrivait déjà d’être quelque peu instable lorsque j’étais gardienne, les choses ne se sont pas arrangées et ce malgré ma nouvelle nature d’immortelle... J’ai entendu parler d’une ville du nom de Missoula où résident beaucoup de Strigoïs, regroupés dans un château et plutôt mignons qui plus est. Ne vous méprenez pas, je ne suis plus du tout celle que j’étais. J’ai assumé ma nature de Strigoï et tous les plaisirs qui vont avec, du moins lorsque je suis moi-même. Il est possible que je finisse par me plaire dans cette ville. De toute façon, la Russie ce n’est plus pour moi... Trop d’ennemis de chaque côté. C’est ce qui arrive quand on s’en prend à ses alliés autant qu’à ses ennemis même si ce n’est pas volontaire. Il est grand temps pour moi de voguer vers de nouvelles aventures.