Je ne pensais pas réussir si facilement à remettre les pieds dehors sans accompagnement. Au départ je favorisais les lieux bondés pour me sentir plus en sécurité, puis peu à peu, sans réellement m’en rendre compte, je retournais indéniablement vers ma solitude. Je n’aime pas le monde, ce n’est pas nouveau, c’est sûrement en partie dû à ma claustrophobie. Au début je pensais que c’était une erreur, toutes ces sorties seul, sans Gallen à mes côtés, mais finalement je me suis rendu compte que ça me faisait du bien, que j’avais besoin de moments pour me retrouver avant de devenir fou. Ces gens-là, peu importe qui ils sont, m’ont fait quelque chose, ils ont libéré mon pouvoir et maintenant j’ai l’impression qu’il me ronge pour pouvoir de plus en plus s’exprimer. Je n’en ai pas parlé à Gallen, je n’ai pas voulu l’inquiéter. De toute façon il m’aurait posé tout un tas de questions auxquelles je n’aurais pas été capable de lui répondre alors à quoi bon.
J’ai fait des recherches sur le sujet, quitte à avoir une grande bibliothèque à disposition, autant que ce soit utile. J’ai lu toutes ces choses sur ceux qui possèdent le même pouvoir que le mien, l’esprit, et ce n’est pas très encourageant. Certains finissent dans l’alcool et la drogue, beaucoup sont dépressifs ou considérés comme fous, certains en arrivent même jusqu’à la mutilation ou la mort, dans des cas plus rares ils peuvent sombrer et se rallier à l’ennemi. Je n’ai pas envie de finir comme ça. Je n’ai pas envie de sombrer, de devenir fou ou mort. Parfois je me dis que cette vie craint vraiment et je suis sûr que Gallen me sortirait un truc du genre "ce serait quand même con que tu finisses taré après tout ça". Ouais, ce serait vraiment con...
J’ai donné rendez-vous à Cristal sur la plage, mais au fond je ne sais même pas si elle viendra, je n’ai pas reçu de réponses et ça ne m’étonnera pas que son petit-ami l’en empêche. Ouais, désolé, j’ai fait quelques recherches à ton sujet, mais il fallait que je sache si je voyais juste et je ne me suis pas trompé. D’ailleurs je ne lui ai pas donné ce rendez-vous par hasard, mais nous verrons ça lorsqu’elle viendra, du moins si elle vient. J’arrive à la plage, marchant sur le sable, observant la mer et cet horizon qui s’étend à perte de vue. C’est dans ce genre de lieux que je me sens complètement libre, bien, en sécurité. Pourtant je ferais mieux de me méfier. Gallen a déjà perdu quelqu’un ici, je n’ai pas l’intention qu’il me perde aussi, pas encore.
- Désolé de vous embêter, vous n’auriez pas du feu par hasard ?
Cette voix me tire de mes pensées. Je me tourne vers cet homme qui se rapproche, restant silencieux un instant, figé sur ses traits. Ce visage, je l’ai déjà vu quelque part... Et cette voix, je l’ai déjà entendu. Oui, je suis sûr de la connaître. Qui est-il au juste ? Ce serait bien que je réponde déjà à sa question, il va me prendre pour un fou à le regarder comme ça sans rien dire.
- Euh.. Désolé, je fume pas.
Je continue de fixer ses yeux et j’ai l’impression que mon esprit tente de se rappeler de quelque chose. Je le connais, c’est évident, sinon je ne ressentirai pas cette douleur m’élancer à la nuque, mes souvenirs veulent remonter mais quelqu’un me les bloque. Tu en fais partis, n’est-ce pas ? Tu fais partis de ces humains. Je vois le vice dans ton regard. Des bribes de flashs me reviennent en mémoire, deux ou trois, j’entends sa voix qui m’annonce la nouvelle épreuve, je vois ce sourire face à mes douleurs, puis il parle avec une fille et dit que je suis le tout premier sujet dans mon genre. De quoi parle-t-il ? La douleur est de plus en plus intense et je commence grogner, m’attrapant la nuque sous la douleur infligée. C’est alors que je vois le bout de cette seringue briller sous la lumière de la lune.
- C'est vous...
Je le vois se précipiter vers moi mais j’esquive de justesse sa main, remerciant intérieurement les quelques entraînements de Gallen pour ça. Faut que je me tire d’ici et vite. Je peux pas le laisser me ramener. Je retournerai pas là-bas, jamais ! Je le repousse en arrière et me mets à courir. Oui la fuite, ça craint je sais, mais à cause d’eux je ne sais pas de quoi je suis vraiment capable, je ne sais pas si je suis en mesure de le vaincre. Je sens alors son poids peser contre moi et on tombe tous les deux dans le sable, lui se retrouvant au-dessus. Je réussi à me retourner face à lui et constate qu’il a toujours cette seringue que je tente d’éloigner avec la seule force de mes bras.
- Vous ne m’aurez pas ! Je retournerai pas là-bas ! Je préfère encore vous tuer !
Ai-je déjà pris une vie ? Je suis sûr que toi tu dois avoir la réponse, mais moi je n’en sais rien. Je ne sais pas ce que vous m’avez fait, mais je ne vous laisserais pas me faire plus. Les émotions, c’est ce qui déclenche généralement mon pouvoir et là je ressens un puissant mélange de peur et de rage envers en moi. C’est ainsi que je lui envoie cette douleur dans la tête. Savais-tu que j’étais capable de ça ? Au fond je suis sûr que oui, ce qui te rend d’autant plus dangereux. Il faut que je profite de cette douleur pour retourner cette seringue contre lui, sinon je suis fichu.
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